On a souvent délégué la transformation des entreprises à des directions dédiées. Mais à la faveur de la pandémie, on s’aperçoit que les directeurs financiers jouent un rôle moteur sur la question.
Entre 2016 et 2021, la part des DAF déclarant être responsables des activités numériques de leur entreprise a plus que triplé. Si au cœur de la pandémie, ils ont été à la manœuvre dans l’urgence, en sortie de crise, ils accompagnent l’innovation et la croissance. De fait, les DAF sont au premier plan pour impulser une transformation (adoption de nouveaux outils, automatisation, utilisation de la data) au service de la résilience de leur entreprise. Mais attention, le culte du chiffre n’est pas la culture de la donnée. Pour faire advenir une entreprise véritablement data-driven, ces grands argentiers devront plus que jamais travailler main dans la main tant avec les DSI qu’avec les DRH. Si toutes les études le soulignaient depuis plusieurs années, la pandémie l’a confirmé : le rôle du DAF est devenu plus que jamais stratégique dans l’entreprise.
En dix ans, le profil des directeurs financiers des groupes français qui constituent le CAC40 a d’ailleurs radicalement changé. Un quart d’entre eux sont désormais étrangers, 40 % affichent un cursus scientifique, et ils sont désormais une très large majorité à avoir occupé des responsabilités aux États-Unis ou en Asie. Des profils experts et de plus en plus expérimentés : 88 % de ces directeurs financiers ont plus de 50 ans contre 70 % en 2016.
Cette évolution traduit bien la complexité croissante de la fonction. En plus de ses dimensions traditionnelles comme la sécurisation du financement et la préservation du cash, vitales en temps de crise, ils doivent désormais maîtriser les enjeux liés aux nouvelles technologies. Une tendance largement accélérée par la pandémie. Dans ces moments de pression et de disruption, on attend du DAF qu’il sache porter un regard objectif sur le modèle économique de l’entreprise, ses avantages compétitifs et ses investissements. Pour protéger l’entreprise dans la tourmente, mais aussi préparer la future croissance.
À ce titre, le témoignage de Nelson Chai est éloquent. Le CFO d’Uber, confronté pendant la crise à la chute du nombre de réservations, a ainsi diversifié ses activités vers le marché de la livraison et accéléré ses activités complémentaires de vélos et scooters. La division dédiée aux véhicules autonomes d’Uber va même dans une direction opposée à son modèle économique d’origine, qui repose sur une plateforme de mise en relation entre chauffeurs et clients.
La relation des directeurs financiers avec l’innovation dans l’entreprise ne se limite plus à « relever les compteurs » !
Si de prime abord, promouvoir l’innovation était donc moins la priorité des DAF que d’autres membres du CODIR, la situation a bien changé. La pandémie les a obligés à revoir leurs outils et leur façon de travailler, notamment en passant dans le cloud. La dernière étude annuelle McKinsey, menée auprès de leur panel de DAF le confirme : l’adoption des technologies dans le domaine de la finance a explosé. C’est le fruit d’un travail beaucoup plus étroit entre la DAF et la DSI. Selon une enquête de Deloitte Global, 70 % des DSI auraient accéléré d’au moins un an la transformation de la fonction finance, en fournissant notamment des outils numériques utiles à une meilleure exploitation stratégique des données financières. Ils sont par ailleurs 67 % à penser que les objectifs de croissance des entreprises ne seront pas atteints sans une collaboration étroite entre leurs services.
Une collaboration plus que jamais nécessaire, dans la mesure où de nombreux freins à l’adoption de ces technologies persistent : coûts d’acquisition, manque de compétences internes, résistance culturelle et organisationnelle… Dans les domaines comme les prévisions de chiffre d’affaires, de liquidités et la gestion de scénarios, où elles sont censées amener le plus de valeur ajoutée, seuls 24 % à 36 % des décideurs financiers déclarent que leur entreprise utilise actuellement des technologies numériques.
L’entreprise doit plus que jamais faire la preuve de son impact positif
Mais à l’heure où la performance de l’entreprise est de plus en plus extra-financière, cette implication des DAF dans les programmes d’innovation n’est qu’une partie de la transformation de leur métier. Leur rôle dans le pilotage stratégique, en particulier pour renforcer la résilience des entreprises implique d’embrasser de nouveaux critères de performance, notamment ESG. Une feuille de route qui nécessite une étroite collaboration avec les DRH.
Et une transformation d’autant plus impérative qu’il existe selon une enquête du BCG, un lien étroit entre culture inclusive en termes de genre et de profils et performance d’ensemble de l’entreprise, tant sur le volet financier que sur la capacité à innover. Dans un contexte où 75 % des experts-comptables seraient admissibles à la retraite aux États-Unis et où la Génération Z arrive dans les cabinets comptables, préparer cette entreprise du « monde d’après » est un solide argument de plus pour susciter des vocations.